Le Centre Soleil d’Afrique de Bamako : un engagement pour l’art citoyen

Par Milena Rampoldi, ProMosaik. Ci-essous un entretien avec Hama Goro, directeur du Centre Soleil d’Afrique, à Bamako (Mali). Il nous parle de l’initiative et des difficultés rencontrées par les artistes au Mali.

Quels sont les objectifs principaux de Soleil d’Afrique ?
 
Crée en 1999, le centre Soleil d’Afrique à des objectifs qui évoluent avec les  changements artistiques et sociaux.  Ses principaux objectifs sont :
Offrir aux artistes un espace de rencontres, de création et d’échanges dans le domaine des arts visuels et multimédia
Créer des possibilités pour les artistes jeunes maliens  en particulier de se libérer de toutes contraintes sociales pour faire leurs créations librement et assurer leur promotion.
Promouvoir et valoriser les arts visuels contemporains au Mali et œuvrer pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des jeunes artistes.
Après une décennie d’existence, le Centre Soleil d’Afrique s’est assigné comme principal objectif faire de l’art et la culture un vecteur prépondérant de cohésion et de stabilité sociale.
 
Quels sont vos projets principaux ?
 
Après des séries d’ateliers de formation, d’échanges et de création dans toutes disciplines d’Arts Visuels et Photographie, nous avons initié le Festival Africain d’Images Virtuelles (FAIVA).
 
À la différence des autres festivals au Mali, le FAIVA ouvre un espace de dialogue, d’éducation et d’interaction entre les artistes et le public local. À travers une programmation qui est à la portée de ces gens qui n’iront pas dans les salles d’expositions, ni musées et milieux culturels pour visiter une exposition.
C’est aussi un espace pour encourager les artistes à l’utilisation des nouvelles technologies dans l’art, afin d’élargir leurs sources d’opportunité et de revenus.
 
Au fil des annés, le centre est devenu un espace efficace de promotion, de communion, de dialogue interculturel et de recherche de stabilité et de cohésion sociale au Mali, avec la mise en valeur de certains pans de notre culture très importants dans notre contexte actuel. Ce festival est composé de plusieurs activités dont : projections vidéo d’arts et d’images sur des places publiques, ateliers de vidéo d’art et d’arts plastiques avec le public, exposition d’art contemporain à ciel ouvert, Cérémonie du Thé suivie de causeries débats, performances artistiques, animations musicales, compétitions artistiques.
 
L’Appel Artistique pour l’Unité Nationale en 2012 (Boulevard Monument Obélisque)  au moment de la crise sécuritaire déclenchée par un Coup d’État mettant fin au régime démocratique.
 
Les Rencontres « DJEKA-MIRI »,  mot bambara qui veut dire réfléchir  ensemble. C’est un programme sur trois  ans, qui visait à redynamiser le secteur des arts visuels contemporains au Mali, dont la programmation englobe une série d’activités (ateliers, formations, festival, compétitions, conférences-débats, expositions),  qui visent à faire le lobbying pour la paix et la stabilité sociales.
Caravane FAIVA est un programme d’éducation, de sensibilisation à l’intention des jeunes et de la population locale, qui se tient après chaque édition du FAIVA. Cette caravane parcourt les régions de Ségou, Sikasso et Bamako afin de  partager les acquis du Festival avec le public de ces localités.
Repenser la création artistique au Mali en mettant l’activité artistique et culturelle au niveau des scolaires. Ces activités entrent dans la promotion des arts visuels contemporains au Mali par le biais de l’initiation, l’éducation et la sensibilisation des jeunes.
Prix Soleil d’Afrique : Ce prix décerné pendant la biennale de Dak’Art à la meilleure créatrice africaine résidant dans un pays africain. Il vise a encourager les femmes à pratiquer le métier des arts visuels.
 
 
 
 
Globalisation, par Aissata Dao
 
Comment l’art peut-il promouvoir la paix et les droits humains ?
 
L’art, au-delà de son côté esthétique, est l’activité humaine visant à exprimer les préoccupations, les croyances, les questions sous une forme telle qu’elle traduise les émotions et les sentiments que les hommes éprouvent en y pensant. C’est dire que l’art est un moyen de communiquer, d’échanger autour des idées ou des situations. Il n’y a ni frontière, ni barrière dans l’art, il permet de regrouper plusieurs personnes autour d’un thème ou d’un concept donné. Comme on le dit souvent, il est au début, au milieu et à la fin de tout changement social. Car il permet de réfléchir au-delà du visible ou du vécu, de toucher la sensibilité émotive de l’humain. On comprend alors pourquoi l’art est le meilleur moyen dont on puisse disposer pour pénétrer dans l’esprit d’une culture. Et qu’il soit aussi le meilleur moyen pour se comprendre soi-même et comprendre et accepter l’autre aussi.
 
Il y a eu plusieurs exemples : chaque fois que les droits humains sont menacés, les artistes se sont toujours mobilisés autour de leur créativité pour sensibiliser, éduquer, toucher la sensibilité des hommes pour rétablir l’ordre et la stabilité sociale. L’exemple de Soleil d’Afrique, c’est faire des ateliers de création sur des thématiques de la paix, l’égalité, la tolérance, religion et radicalisme etc. et organiser des cérémonies sur des places publiques autour de ces œuvres. Cela dans le but de toucher la sensibilité de la masse sociale et créer des interactions entre les gens.
 
Parlez-nous de l’art contemporain en Mali 
 
L’art visuel contemporain au Mali se résumait autour d’une minorité d’artiste dont l’un des plus distingués est Abdoulaye KONATE et très peu d’opportunité s’offraient aux jeunes artistes, qui étaient presque dans l’anonymat total. C’est l’un des facteurs qui nous  a incités à la création du centre Soleil d’Afrique en 1999.  Aujourd’hui, grâce aux efforts conjugués des structures privées évoluant dans ce domaine, une nouvelle génération de jeunes artistes  commence à se distinguer. Parmi eux on peut citer Amadou SANOGO, Souleymane OUOLOUGUEM et Modibo DOUMBIA.  L’émergence de cette nouvelle génération d’artistes au Mali est due surtout à la synergie de deux structures, le Centre Culturel Korè Ségou et le Centre Soleil d’Afrique.
Malgré la crise sécuritaire et économique du pays et la quasi-inexistence d’un marché de l’art, les jeunes artistes s’organisent, créent des ateliers pour travailler ensemble et se soutenir mutuellement, par exemple l’atelier Badialan et Anw-ko Art.
 
 
 
 
 
Je ne pourrais clore cette parenthèse sur l’art contemporain au Mali sans parler des écoles d’art qui forment les artistes, tel que l’Institut National des Arts (INA) et l’école supérieure, le Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia (CAMM).
Ces espaces culturels et écoles d’art ont permis l’éclosion d’artistes de tous genres, arts plastiques, multimédia,  arts du spectacle etc. Mais malheureusement ce secteur de l’art contemporain souffre de beaucoup de maux : manque de soutien de l’État, manque d’ouverture, manque de marché local, manque d’une vraie politique culturelle, tout cela aboutissant au désintérêt de la population civile et des autorités.
 
Quels sont les problèmes principaux des jeunes artistes dans votre pays ?
 
Les jeunes artistes au Mali sont confrontés à d’énormes problèmes. Il n’y avait  presque pas de marché local pour les artistes surtout en arts visuels, cette situation s’est aggravée depuis quelques années avec la crise sécuritaire et économique que le pays a connu.
Quelques jeunes artistes commencent à émerger sur le plan national et international, mais ils restent confrontés au manque de critique d’art et d’écrits sur l’art contemporain au Mali, pouvant être source de repères pour eux.
La mauvaise organisation du secteur des arts visuels, la rareté des salles d’exposition, le désintérêt de la population locale constituent aussi des  handicaps pour l’évolution des jeunes artistes au Mali.  
 
 
 
 
Sans tête, par Amaou Sanogo, 2016

 

 

https://promosaik.blogspot.com.tr/2017/02/le-centre-soleil-dafrique-de-bamako-un.html